Quels sont les besoins humanitaires actuels au Burkina Faso? Entretien avec un spécialiste du domaine

Achille Sawadogo
4 min readAug 21, 2020

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M.Jacques Bouda, Spécialiste en communication pour le développement et Spécialiste en Coopération internationale et aide humanitaire, Burkina Faso

Le Burkina Faso est confronté à une crise sécuritaire qui endeuille de plus en plus sa population et les contraint à fuir leurs abris. A cela, il faut ajouter la pandémie de la covid-19 survenue au Burkina Faso depuis le 9 mars 2020. Tous ces obstacles freinent son développement dans plusieurs secteurs. Face à ces maux, les urgences humanitaires se déploient pour répondre aux besoins des communautés.

En tant que promoteur de projets, je me suis posé la question de savoir quels sont ces urgences humanitaires actuelles au Burkina Faso. Jacques Bouda, Spécialiste en communication pour le développement et Spécialiste en Coopération internationale et aide humanitaire, avec des années d’expérience au sein d’organisations humanitaires telles que Save The Children Internationale et Action contre la faim, a accepté de répondre à mes questions. Il donne un aperçu des besoins humanitaires du moment dans le pays des Hommes intègres.

Achille Sawadogo (A.S) : Qu’entend-on par l’humanitaire ?

Jacques Bouda (J.B) : L’humanitaire est un ensemble d’actions orientées vers le bien-être de l’humain. L’humanitaire vise à préserver la dignité des hommes en tout temps et en tout lieu où il y a une vie humaine. Il est encadré par quatre principes qui sont l’indépendance, la neutralité, l’humanité et l’impartialité. L’humanitaire trouve sa légitimité dans le droits international humanitaire et la déclaration universelle des droits de l’homme. Le manuel Sphère est une des bases du travail humanitaire. Il s’agit d’une référence de départ pour tout travailleur humanitaire.

A.S : Quels sont les principaux domaines humanitaires actuels au Burkina ?

J.B : Au Burkina Faso, avec la situation d’insécurité de plus en plus croissante, on assiste à une augmentation du nombre de personnes déplacées Internes. Ces mouvements des personnes des zones de conflits s’effectuent vers des espaces sécuritaires plus ou moins sures. Face à cette situation, les domaines humanitaires qui existent sont liés aux besoins primaires des populations. C’est essentiellement la protection, la sécurité alimentaire, la Nutrition, la santé et dans une grande mesure l’éducation.

A.S : Quels sont les besoins des populations en matière d’urgences humanitaires ?

J.B :De façon générale, dans les situations humanitaires, les besoins des populations sont des besoins élémentaires de base tels que les besoins en abri, en nourriture, en santé, etc.

A.S : Quelles sont les principales urgences humanitaires actuelles au Burkina selon vous ?

J.B : Pour ce qui concerne le contexte du Burkina Faso, selon le rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) sur l’aperçu de la situation humanitaire au Burkina Faso en fin juin 2020, le Burkina Faso compte 921 471 personnes déplacées ; 1 600 000 personnes sont acceptées par les centres de santé fermés et non utilisés ; 2 100 000 sont en situation d’insécurité alimentaire ; 350 000 élèves sont affectés par les fermetures d’écoles.

A.S : Quelles sont les réponses adaptées à ces problèmes ?

J.B : Les réponses les mieux adaptées au contact humanitaire sont celles adaptées aux besoins des personnes victimes. Pour la définition des besoins dans la situation d’urgence, nous devons impliquer les populations victimes et toujours avoir en tête le principe du « do no harm », en français « ne pas nuire ». L’intervention humanitaire doit prendre en compte des questions transversales telles que les questions de genre et de protection de l’environnement. Dans toutes les interventions, nous devons avoir une approche fondée sur les droits. Cette approche fondée sur les droits ne considère pas les populations victimes comme de simples bénéficiaires mais des détenteurs /détentrices de droits. Tout cela implique que pour toute intervention, nous puissions mettre un mécanisme de redevabilité. Pour toutes les données des victimes (photos, vidéos, audio, données personnelles, …) que nous souhaitons des bénéficiaires nous devons avoir le consentement éclairé de ces derniers.

A.S : Vue la durée du défi humanitaire auquel le BURKINA fait face de nos jours, peut-on encore parler d’urgence ?

J.B :Oui, le Burkina Faso est dans une situation humanitaire bien que la situation perdure. Nous constatons que l’insécurité gagne toujours du terrain et on enregistre un nombre toujours croissant des besoins. Selon le plan de réponse humanitaire au Burkina Faso, publié par OCHA, de janvier à Juin 2020, la réponse humanitaire a ciblé deux millions deux-cent mille (2 200 000) personnes dans le besoin.

Il ressort de cet entretien que malgré les risques potentiels liés aux caprices pluviométriques (inondations, insécurité alimentaire), aux crises politiques (conflits intercommunautaires), aux crises économiques (vie chère, crise dans l’immobilier et le foncier), aux crises sanitaires (COVID19, crise du système de santé) etc., la crise sécuritaire reste toujours en tête dans l’actualité du Burkina Faso. Celle-ci se démarque par l’ampleur des dégâts, le nombre important de victimes enregistré, la durée du phénomène (depuis 2015), la nature incontrôlable de ses origines profondes, la terreur, la peur et l’incertitude qu’elle sème quotidiennement au sein des populations.

Il est donc urgent que tout projet humanitaire qui se veut pertinent intègre ce fait dans ses finalités.

Achille Sawadogo, Août 2020

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Achille Sawadogo

Mandela Washington Fellow, for Young African Leaders — Civic engagement — Development Cooperation, Economist, Project Management skills, Free learner