Problématique des maladies diarrhéiques et l’hygiène dans les pays en voie de développement

Achille Sawadogo
6 min readMay 31, 2019

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Les diarrhées aiguës infectieuses (maladies diarrhéiques) sont définies par la survenue de selles trop fréquentes (plus de 3 selles/jour) et trop abondantes (plus de 300 g/jour) depuis au moins 2 semaines dues à des micro-organismes : bactéries, virus, parasites ou champignon. Selon l’OMS, les diarrhées aiguës se définissent comme la survenue d’au moins trois selles molles à liquides par 24 heures depuis moins de 14 jours.Il s’agit donc de maladies transmissibles. Le groupe de microorganismes le plus fréquemment incriminé dans la survenue des diarrhées aigues est celui des bactéries parmi lesquels on peut citer le Vibrio cholerae (responsable du choléra), Escherichia coli, Staphylococcus aureus, les salmonelles (responsable de la salmonellose digestive), les shigelles (responsable de la shigellose), Clostridium perfringens, Clostridium difficile et beaucoup bien d’autres bactéries. Au rang des virus les Rotavirus sont de loin les plus incriminés. En ce qui concerne les parasites, les microsporidies et les isospores sont responsables des diarrhées infectieuses chez les personnes fragilisées par le VIH/SIDA.

Toute la gravite des diarrhées infectieuses réside dans le fait qu’elles mettent en jeu la vie du patient à court terme par le risque élevé de déshydratation. Cette gravite est d’autant plus élevé que le patient se situe à un âge extrême (enfant de moins de 5ans ou vieillards). Les diarrhées infectieuses constituent donc une urgence thérapeutique.

Pourtant les diarrhées aigües infectieuses demeurent un problème de santé publique dans les pays en voie de développement avec des chiffres alarmants. Elles constituent la 4ème cause de mortalité et la 2ème cause de morbidité dans le monde. Elles constituent la deuxième cause de morbidité et de mortalité chez les enfants de 0 à 5 ans après les infections respiratoires. Chaque année, 1,3 milliard d’épisodes aigus de diarrhée sont observés chez ces enfants dans le monde. Quatre millions d’entre eux en meurent. Les diarrhées aiguës sont plus graves dans les pays en développement car elles surviennent le plus souvent sur un terrain fragilisé par la malnutrition. Plus d’un tiers des lits des services de pédiatrie de ces pays est occupé par des diarrhéiques. Au Burkina Faso, l’incidence de la diarrhée est de 6,8 épisodes par enfant et par an chez les moins de 5 ans et sa prévalence reste élevée (11,9 % en 1993). Les diarrhées aiguës étaient la deuxième cause (21,4%) des admissions au Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (Ouagadougou) en 1991 après le paludisme explique un agent médical. Elles étaient la première cause de décès des enfants de 0 à 5 ans dans le même service : 22,4 % des décès étaient le fait des diarrhées.

Il existe essentiellement deux voies de contamination qui sont : le port de mains sales (souillées) a la bouche et la consommation d’aliments souillés. La mauvaise hygiène est donc la cause de la maladie ce qui justifie sa fréquence dans les pays en voie de développement. Cette maladie était donc autrefois appelé la maladie des mains sales et du périlfécal. Plusieurs stratégies de lutte contre ces maladies existent d’un point de vu conventionnel : la vaccination, la distribution généralisée de médicaments, la salubrité des aliments, l’approvisionnement en eau saine et assainissement. La lutte contre la mauvaise hygiène constitue le cheval de batail des pays en voie de développement pour espérer venir à bout de ces maladies.

L’hygiène est avant tout une affaire de communauté et non seulement une affaire étatique. Il s’agit plus d’une lutte individuelle et collective. La prise de conscience individuelle et l’implication absolue de toutes les populations sont les éléments qui permettront d’atteindre l’objectif. Encore faudrait-il qu’une éducation sanitaire des populations soit effectuée par les ministères de la santé. En ce qui concerne l’hygiène des aliments il s’agira de prendre l’habitude de la propreté en se lavant les mains avant de toucher les aliments et fréquemment pendant la cuisine, en se lavant les mains après être allé aux toilettes, en lavant et désinfectant toutes les surfaces et le matériel en contact avec les aliments, en tenant les insectes, rongeurs et autres animaux à l’écart des aliments et de la cuisine. Des études sur la diarrhée ont montré que se laver les mains à l’eau et au savon (ou avec des cendres là où il n’y a pas de savon) peut diminuer l’incidence de la diarrhée de 35%. Il faut également séparer les aliments crus des aliments cuits car les aliments crus, en particulier la viande, la volaille et le poisson ainsi que leurs sucs peuvent contenir des microorganismes dangereux susceptibles de contaminer d’autres aliments au cours de leur préparation ou de leur conservation. Il faut bien cuire les aliments. Des études ont montré que les aliments cuits à 70ºC peuvent être consommés sans danger. Les aliments comme les viandes hachées, les rôtis roulés, les grandes pièces de viande et les volailles entières requièrent une attention particulière. Il faut maintenir les aliments à bonne température. La conservation des aliments à moins de 5ºC ou à plus de 60ºC inhibe ou ralentit la croissance des micro-organismes, même si certains microorganismes dangereux continuent de se multiplier à moins de 5ºC. Enfin il faut utiliser de l’eau et des produits sûrs.Les produits bruts, de même que l’eau, peuvent contenir des micro-organismes et des produits chimiques dangereux. Des produits chimiques toxiques peuvent se développer dans des aliments avariés ou moisis.

L’hygiène concerne également l’approvisionnement en eau saine et l’assainissement. Même de nos jours, 1 personne sur 4 environ ne dispose pas d’une source d’eau saine et 1 sur 3 n’a pas accès à un assainissement adéquat, d’où une mortalité et une morbidité élevées dues aux maladies liées à l’eau. Dans les pays en développement, des mesures simples et peu coûteuses permettront d’obtenir une eau propre sans que l’on doive attendre pendant de longues années les investissements d’infrastructures nécessaires. La méthode la plus couramment utilisée pour rendre l’eau potable est de la faire bouillir, mais le combustible requis peut faire défaut ou coûter trop cher. Là où le combustible est rare, la chloration revient moins chère que l’ébullition. La désinfection aux rayons solaires constitue une autre technique de bon rapport qualité-prix et qui peut être utilisée à petite échelle. Une fois que l’eau aura été traitée pour la rendre saine, il conviendra de la conserver et de l’utiliser correctement pour éviter qu’elle soit à nouveau contaminée. L’amélioration de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement diminuera à long terme l’incidence des maladies diarrhéiques. Même si l’assainissement est défectueux, des mesures simples permettront l’évacuation sans risque des selles et il convient d’utiliser ces mesures : ne pas déféquer sur le sol, recouvrir les selles de terre, ne pas déféquer près d’une source d’eau, jeter les selles des enfants dans des toilettes ou des latrines ou bien les enterrer, se laver les mains à l’eau et au savon (ou avec des cendres) après tout contact avec des selles, construire et utiliser des latrines.

Pendant que les maladies cancéreuses constituent la hantise des pays développés, les maladies infectieuses en général et plus précisément les maladies liées à la mauvaise hygiène comme les diarrhées infectieuses devraient être la priorité des ministères de santé des pays en voie de développement. Mais force est de constater une réalité toute autre car les gouvernements de ces pays sont dans l’obligation de suivre impuissamment le choix des bailleurs internationaux en ce qui concernent les maladies prioritaires. De plus la lutte contre les maladies diarrhéiques est incontestablement à la portée de nos gouvernements sans besoin d’aide extérieure à travers la prévention par les méthodes sus décrits. Il faut donc juste une volonté politique et un minimum de sens d’humanisme pour améliorer les conditions de vie de nos pauvres populations et rehausser leur niveau d’éducation sanitaire. Devrons-nous attendre que l’occident vienne dire à nos frères de se laver les mains au savon avant de manger ou qu’il construise une latrine ou un forage pour eux ?

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Achille Sawadogo

Mandela Washington Fellow, for Young African Leaders — Civic engagement — Development Cooperation, Economist, Project Management skills, Free learner