Les inondations au Burkina Faso…

Achille Sawadogo
4 min readJul 13, 2020

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Au Burkina Faso lorsqu’on parle d’inondation, ce qui nous vient à l’esprit est celle du 01/09/2009. Triste souvenir demeurant comme l’un des évènements les plus marquants des 15 dernières années au même titre que l’insurrection populaire, les différents attentats et attaques terroristes car ayant occasionné aussi des pertes en vie humaine (9 décès enregistrés) et d’importants dégâts matériels. Ce jour, une quantité record d’eau s’est déversée sur la quasi-totalité du pays (11 régions sur 13) comme à Ouagadougou où nous avons enregistré 263mm. Pour un pays sahélien, ce fut exceptionnel mais néanmoins explicable. Depuis lors, et à chaque année nous continuons d’enregistrer des situations d’inondation un peu partout mais récurrent majoritairement dans les grands centres comme Bobo-Dioulasso et Ouagadougou (conclusion projet AMMA-2050). Il serait intéressant de se pencher sur l’origine de ces catastrophes et soumettre des idées qui pour y remédier.

Ouagadougou est une ville en pleine expansion avec un nombre sans cesse croissant d’habitants qui cherchent tous à se loger. Toute chose entrainant une occupation des différents espaces autour de la ville sans aucune viabilisation et ouvrages d’assainissement. Cette urbanisation anarchique se fait principalement dans des zones dites « à risque ». A risque du fait que ces zones sont pour la plupart des zones marécageuses, ou sur un passage des eaux de pluies ce qui les rend vulnérable à la moindre pluie. Il est à préciser que pour Ouagadougou les zones à risque sont Dapoya, Karpala, Rimkiéta, Nioko, les quartiers non-lotis et pour Bobo les secteurs 9 et 21 sont concernés selon des études géotechniques. Pour les zones dotées de caniveaux ou de canaux, les populations y rejettent les ordures ménagères (pneus, sachets) au point même de les boucher, par conséquent les eaux ne coulent pas. L’Etat ou les collectivités territoriales a une part de responsabilité dans cette récurrence des inondations puisque nous relevons un manque de rigueur dans la gestion de l’occupation des espaces à risque, et la non prise en compte des normes d’assainissement lors des viabilisations de nouveaux quartiers. Les spécialistes pointent un doigt accusateur sur le réchauffement climatique étant à la base de l’augmentation des quantités de pluie. De ce fait, des pluies diluviennes combinées à un manque ou à une défaillance des ouvrages pour canaliser et stocker les eaux pluviales ne pourraient causer que des catastrophes.

Nous ne pouvons parler des causes des inondations sans évoquer par la même occasion leurs conséquences. Et à ce titre, nous pouvons citer des pertes en vie humaine, des déplacements des populations entrainant parfois des migrations internes, une précarité des logements (souvent relogés dans les salles de classe jusqu’à la rentrée), des pertes financières pour les ménages qui sont déjà en situation d’extrême vulnérabilité, des crises sanitaires (apparition de maladies infectieuses comme le paludisme, le choléra, la diarrhée etc…) de même qu’une insécurité alimentaire ( destructions des cultures, des récoltes et des greniers). Pour rappel l’Etat avait chiffré les dégâts du 01/09/2009 à plus de 70 milliards de franc CFA et pour un pays pauvre comme le nôtre c’est énorme comme coût, par conséquent il faudrait adopter une démarche plus résiliente tant au niveau de l’autorité qu’au niveau des populations comme nous y invite Madame le Ministre dans un communiqué du 6 juin 2020 suite au rapport du CILSS soulignant les risques de fortes pluies cette saison au Burkina. De plus, chaque année à l’approche de l’hivernage, les services techniques de la mairie et les associations de jeunes se chargent de curer les caniveaux pour permettre le passage des eaux. Tous ces actes ont leur importance mais sont-elles véritablement efficaces ? Nous répondons par l’affirmative. Sont-elles des solutions de long terme ? C’est discutable.

Comme le dit l’adage populaire « qui veut aller loin ménage sa monture », cette pensée illustre bien la manière dont nous devons nous organiser pour éviter des catastrophes à l’avenir dans un pays où tout est prioritaire. Pour nous, les municipalités se doivent de faire preuves de rigueur dans la gestion et l’occupation des espaces, proscrire l’urbanisation précaire en zones inondables, favoriser les lotissements des quartiers non-lotis afin de permettre leur viabilisation, mise en place des techniques innovantes pour le captage et le ruissellement des eaux de pluies (ouvrage d’assainissement), budgétiser les actions à réaliser pour anticiper les inondations et gérer avec célérité les situations de crise, auprès des populations il faudra intensifier la sensibilisation à des comportements écoresponsables par les différents canaux (média, théâtre forum, porte à porte, leader d’opinion). Nos autorités aussi gagneraient à prendre en compte les recommandations formulées dans les différents rapports comme celui de l’AMMA-2050 et celui du PRESA (Promouvoir la Résilience des Economies des Zones Semi-Arides) qui sont assez riches en enseignements pour l’élaboration de bonnes réformes dans l’aménagement des espaces et la construction des ouvrages d’assainissement. Ces solutions structurantes vont sans doute réduire les risques d’inondations dans notre pays au grand plaisir des populations qui voient toujours planer sur elles, le spectre du 01/09/2009 à chaque fois que le ciel s’obscurcit.

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Achille Sawadogo

Mandela Washington Fellow, for Young African Leaders — Civic engagement — Development Cooperation, Economist, Project Management skills, Free learner