Comment les parents d’élèves choisissent-ils les établissements scolaires et maternelles pour leurs enfants?

Achille Sawadogo
5 min readAug 25, 2020

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Illustration: photo d’une salle de classe préscolaire communément appelée ‘Maternelle’

Le problème

Comme l’a dit Joseph Ki Zerbo historien, politicien et écrivain Burkinabè dans son livre ‘Eduquer ou périr’, « L’éducation est le logiciel de l’ordinateur central qui programme l’avenir des sociétés ». Elle est « une fonction de reproduction et de dépassement social indispensable au progrès de tout pays ».

D’après le dictionnaire Larousse, éduquer c’est « Former quelqu’un en développant et en épanouissant sa personnalité ». Mais c’est également « Faire acquérir à quelqu’un les usages de la société».

On peut donc retenir qu’éduquer a deux fonctions : permettre à quelqu’un de développer sa personnalité et de s’épanouir ; mais aussi favoriser l’évolution de la société dans son ensemble. C’est donc une valeur qui permet à l’homme de se réaliser et qui détermine son évolution dans la société.

Cependant, cette valeur a progressivement changé de cap pour certaines raisons, plongeant nombreux parents dans l’inquiétude et l’incertitude quant à la qualité de l’éducation que reçoivent leurs progénitures. Entre autres, on peut citer la prédominance de la technologie et du numérique qui formatent les esprits, le phénomène de mondialisation avec pour conséquences une perte des valeurs traditionnelles, la modernisation sociétale qui impose un nouvel ordre dans les habitudes de vie (famille recomposée, place du travail et de l’argent dans l’éducation familiale, etc.). Dans le cas du Burkina Faso, l’inquiétude des parents se manifeste parfois par la revalorisation des établissements scolaires et universitaires au niveau local au détriment de l’Occident et autres pays maghrébins désormais, « incertain », « coûteux », « risqué », voire même « dangereux » à cause du racisme.

Nous assistons alors à une sorte de « crise » de l’éducation dans sa conception, sa place actuelle et future dans la société. Face à ce constat, notre curiosité de jeune père de famille et promoteur de projet nous a conduit à nous poser la question « comment les parents d’élèves choisissent-ils les établissements scolaires et maternelles pour leurs enfants? ».

Autrement dit, quels sont les principaux critères de sélection des établissements par les parents ? Quels sont les facteurs déterminants dans le choix des établissements préscolaires ?

Généralités sur l’organisation du système d’éducation préscolaire au Burkina Faso

Au Burkina Faso, le système éducatif commence par le préscolaire et il concerne les enfants de 3 à 5 ans. Il dure trois (3) ans et est composé de la petite section, la moyenne section pour finir par la grande section. Les structures en chargent de l’éducation préscolaire sont appelées Centre d’Eveil et d’Education Préscolaire (CEEP), il en existe trois (3) types à savoir les CEEP publics anciennement appelés ″garderies populaires″ sous la période de la révolution (années 1983) qui étaient au nombre de 170 en 2019, il y a les CEEP privés dont le nombre était estimé 1348 en 2019 et enfin il y a les centres communautaires appelés Bissongo qui sont au nombre de 350. Il faut ajouter qu’il existe de grandes disparités régionales en ce qui concerne la répartition de ses établissements d’enseignement préscolaires. On remarque une plus grande concentration des CEEP dans les grands centres comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso et on retrouve les centres communautaires majoritairement en milieu rural. Chacune de ses structures dispose d’un programme comprenant des activités d’éveil, d’expression, de créations, motrices et sociales et sont placées sous la tutelle du Ministère de l’Education Nationale de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales (MENAPLN).

Les critères de choix des établissements par les parents d’élèves

La plupart des parents interrogés sur les principaux critères de sélection tablent majoritairement sur la proximité de l’établissement par rapport au domicile. Cela se justifie par le besoin de sécurité et la réduction du coût de transport de l’enfant.

Comme deuxième critère non moins important il y a le coût des frais de scolarité. Selon le rapport de la politique sectorielle de l’éducation les tarifs annuels se présentent comme suit :

CEEP public= entre 15 000 fcfa et 50 000 fcfa (23 EUR et 76 EUR)

CEEP privé= entre 25 000 fcfa et 300 000 fcfa (39 EUR et 458 EUR)

Bissongo = entre 4 500 fcfa et 9 000 fcfa (7 EUR et 14 EUR)

On remarque que les CEEP privés sont plus coûteux par rapport aux autres structures d’enseignement.

Le troisième critère de choix qui ressort des échanges avec les parents d’élèves est l’environnement de l’établissement pour dire que les parents chercheront à voir si le cadre est agréable et adapté, si les enfants y seront en sécurité, la présence ou non d’un goûter offert à l’enfant par exemple.

Il faut aussi préciser que les parents accordent également beaucoup d’importance aux recommandations de bouche à oreille de la part de leurs proches et entourage. Un constat inattendu c’est qu’aucune des réponses recueillies ne faisait cas de la qualité de l’enseignement, du programme dispensé, de la qualification des enseignants ou de la prise en charge des enfants en cas d’accidents (existence d’une assurance). Pourtant ces critères sont tout aussi très importants pour un développement harmonieux de l’enfant de notre point de vue.

Illustration: exemple d’un cadre attractif d’un établissement préscolaire

Quelques défis internes du système

Selon le même rapport cité plus haut, les structures publiques disposent d’un personnel qualifié (moniteurs d’éducation et encadreurs pour jeunes enfants) pour la prise en charge car étant issu de l’Institut National de Formation en Travail Social (INFTS) contrairement à ceux du privé qui dans la plupart des cas ne sont pas titulaires de titres de capacités ou de diplômes professionnels pour encadrer les enfants. Dans les Bissongo, la situation est plus préoccupante car les encadreurs (parents éducateurs) sont choisis par le Comité de Gestion (COGES) et ne suivent une formation que de trois (3) semaines. En effet, la diversité des profils des personnels occasionne des pratiques professionnelles disparates qui ne sont pas toujours conformes aux normes pédagogiques. Il faut ajouter que le niveau éducatif souffre d’une insuffisance de financement et les difficultés financières sont légions dues aux charges de fonctionnement. Pour ce qui est de l’offre des établissements préscolaires, elle demeure très en deçà par rapport à la demande, en 2017, selon le Ministère de l’Education Nationale (MENAPLN) le taux de préscolarisation était de 3.5%.

Perspectives

Le défi à relever au niveau du préscolaire est d’accroitre l’offre éducative pour qu’elle soit plus perçue comme service de luxe. Il faudrait revoir le système de formation des enseignants (moniteurs et encadreurs) au niveau de l’INFTS pour avoir plus de personnel qualifié afin de rehausser la qualité des formations dispensées. Pour conclure, pourquoi l’Etat ne rendrait pas l’éducation préscolaire obligatoire pour permettre une formation complète des futurs générations car il a été aussi prouvé que la plupart des enfants qui passent par le préscolaire intègre aisément l’enseignement primaire sans difficultés. Cela pourrait commencer par la sensibilisation surtout en milieu rural.

Par Franck Ouédraogo et Achille Sawadogo

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Achille Sawadogo

Mandela Washington Fellow, for Young African Leaders — Civic engagement — Development Cooperation, Economist, Project Management skills, Free learner